FÉLICIEN FAURY, sociologue, politiste

QUELLE CORRÉLATION ENTRE LE NIVEAU DE DIPLÔME ET LE VOTE RN ?

La variable sociodémographique la plus prédictive du vote pour le Rassemblement national (RN), plus que le faible
niveau économique, est le faible niveau de diplôme. Or, la France est un pays où le capital culturel, les titres scolaires
sont importants. Avoir uniquement le bac ou un CAP fragilise face au monde du travail et entraîne une incertitude
face à l’avenir. Les trajectoires scolaires des électeurs que j’ai rencontrés sont courtes et souvent mal vécues.
En tant que parents, ils entretiennent un rapport compliqué à l’ordre scolaire et rejettent des élites culturelles
considérées jugeantes et moralisatrices.

QUEL RAPPORT ENTRE CES ÉLECTEURS ET L’ÉCOLE PUBLIQUE ?

Ils sont attachés à l’État mais ce dernier les déçoit avec un sentiment de dégradation de l’offre publique, notamment
scolaire. L’école ne remplit pas sa mission de former correctement les enfants dont les parents n’ont pas de diplômes ou de ressources scolaires proprement dites alors que d’autres groupes sociaux, grâce à leur capital culturel, ont les
moyens d’aider leurs enfants pour les devoirs ou l’orientation.
Les électeurs du RN mettent en place des stratégies d’évitement en choisissant l’école privée, quitte à devoir faire des
sacrifices financiers, pensant y trouver plus de discipline et d’encadrement par les professeurs. Ils y cherchent aussi une sélection du public accueilli qui pénaliserait moins leurs enfants, liant la baisse supposée du niveau dans les classes du public à la présence de familles immigrées ou issues de l’immigration.

QUEL RÔLE PEUT JOUER L’ÉCOLE ?

Travailler sur la lutte contre le racisme et les valeurs portées par l’école républicaine peut avoir un impact sur les élèves mais aussi sur les familles. Celles-ci ne sont ni anti-culture ni anti-savoirs.
Mais elles ont peur d’être dupées face à un système éducatif où règne l’implicite. Il faut se rendre compte de ce que crée notre école comme frustration, violence et humiliation. Les inégalités sociales persistent, voire s’accroissent et ces parents perçoivent derrière ce qu’ils appellent « les beaux discours » une compétition scolaire pour laquelle ils ne  se sentent pas armés. L’idéal égalitaire peut rester un horizon mais cela nécessite une école moins opaque et moins injuste.