Les exceptions françaises sautent aux yeux dans le rapport annuel de l’OCDE. Salaires, temps de travail, privé-public : on aperçoit dans la publication Regard sur l’éducation 2024 que le temps de travail des enseignants français est supérieur à la moyenne des autres pays. Par contre, la rémunération est inférieure à la moyenne. L’enseignement privé est aussi davantage financé par l’argent public.
La France investit moins dans l’éducation
Selon la comparaison de Regards sur l’éducation 2024, les dépenses par élève équivalent temps plein ont augmenté de 2,4% en moyenne dans les pays de l’OCDE.
En France, l’augmentation est de 1,8 % pour l’enseignement élémentaire, elle est donc inférieure à la moyenne mais tient compte de la connaissance des effets des inégalités « dès le berceau ».
Dans le secondaire, la dépense est restée constante (+0.1%) quand elle augmente de 1.8% dans le reste de l’OCDE.
Le dernier rapport Regards sur l’éducation montre un investissement équivalent temps plein inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE entre 2015 et 2021. Pourtant « la France, en 2021, consacre 5,4 % de son produit intérieur brut (PIB) aux établissements d’enseignement allant de l’élémentaire au supérieur. C’est plus que la moyenne de l’OCDE, qui est de 4,9 % du PIB ».
La France finance davantage ses écoles privées
Le pourcentage d’élèves scolarisés dans des établissements privés sous contrat est proche de la moyenne de l’OCDE. Selon le rapport, « en France, 14 % des élèves de l’enseignement élémentaire sont inscrits dans des écoles privées en 2021. La moyenne de l’OCDE est de 15 %. »
Comme le confirment les enquêtes, les rapports parlementaires ou celui de la Cour des comptes, l’État français finance largement les établissements sous contrat, subventionnés à ¾ par l’argent public. Regards sur l’éducation 2024 souligne l’investissement supérieur de l’État dans les écoles privées : « 73 % du financement de ces écoles provient de sources publiques. La moyenne de l’OCDE est de 59 % ». L’Etat français est donc bien plus généreux vis-à-vis des établissements privés que la moyenne des pays de l’OCDE. Une constante dans les pays de l’OCDE sur les élèves favorisés surreprésentés dans les établissements privés.
Les enseignants français travaillent plus et gagnent moins
L’étude Regards sur l’éducation 2024 souligne que le temps de travail des enseignants est supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE : « En France, les enseignants du premier cycle de l’enseignement secondaire doivent enseigner 720 heures par an en 2023. Ce chiffre est supérieur à la moyenne de l’OCDE, qui est de 706 heures par an ».
Le temps de travail est supérieur mais les salaires sont inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE. Seuls les débuts de carrières ont connu une augmentation durant les trois dernières années. Les salaires des enseignants français ont très peu augmenté par rapport aux autres pays compte tenu de l’inflation.
L’étude confirme que les salaires sont restés quasi stables entre 2015 et 2023, avec l’inflation : En termes nominaux (c’est-à-dire en prix courants, sans tenir compte de l’inflation), les salaires statutaires ont augmenté de 15 % en France pour les enseignants du premier cycle de l’enseignement secondaire ayant 15 ans d’ancienneté. La majeure partie de cette augmentation a permis de compenser la hausse du coût de la vie. En termes réels (c’est-à dire corrigés de l’inflation), les salaires des enseignants sont restés stables sur la période de huit ans en France (+1 %), contre une augmentation moyenne de 4 % dans les pays pour lesquels des données sont disponibles.
Mais un métier en crise
Le rapport pointe aussi que « la plupart des pays sont confrontés à une pénurie d’enseignants, plus particulièrement en mathématiques et en sciences. Parmi les 21 pays inclus dans l’analyse, seules la Corée, la Grèce et la Turquie n’ont pas fait face à une pénurie d’enseignants au début de l’année scolaire 2022/23 ». Contrairement aux maths, le rapport précise que la France est épargnée par la pénurie de professeurs de sciences. Mais pour combien de temps encore ?
L’OCDE donne une partie de la solution pour pallier cette crise de recrutement. « L’augmentation des salaires et des allocations pourrait permettre aux pays de recruter et de retenir un personnel enseignant de qualité, tout comme l’amélioration des conditions de travail ».
L’investissement dans l’éducation est nécessaire. Cette question interroge également la stratégie de l’Etat dans sa répartition et son action de lutte contre les inégalités. En France, selon Challenges, 500 personnes détiennent 1200 milliards d’euros en France en 2024 soit 45% du PIB (contre 10% du PIB en 2009). Au vu des récents débats et études, la question du financement des établissements privés et leur rôle dans la ségrégation sociale et scolaire s’est imposée dans le débat public.
Dans un contexte de montée des inégalités et de leurs reproductions, le besoin d’une action régulatrice de l’Etat est nécessaire. Ce rapport 2024 de l’OCDE souligne encore le rôle du déterminisme social dans le parcours scolaire et professionnel des Françaises et Français.