M. le ministre,
Mmes et Messieurs les membres du CSE,
La FSU présente ses meilleurs vœux pour 2024 ; année qui s’annonce difficile et qui va nécessiter une combativité syndicale sans faille pour empêcher la loi immigration d’avenir – loi qui instaurerait la préférence nationale, mandat historique de l’extrême droite ; pour lutter contre le projet de loi Fonction Publique (dévoilé hier dans la presse) qui s’attaque frontalement à nos statuts, nos métiers et nos rémunérations – projet à rebours de notre vision de la Fonction Publique au service de l’intérêt général ; pour obtenir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et pour gagner un système éducatif égalitaire, ambitieux, émancipateur et respectueux de l’engagement et du travail des personnels.
Le 12 décembre dernier, les personnels de l’éducation se sont mobilisés et ont exprimé leurs inquiétudes et leur opposition au projet de « réforme » des lycées professionnels de Carole Grandjean. Cette réforme consiste à instrumentaliser les lycées professionnels, ses personnels et l’avenir des jeunes qui y sont scolarisés pour répondre à l’idéologie de la loi « plein-emploi » qui aux cotés de la réforme des retraites, de la formation professionnelle, du marché du travail n’ont qu’un objectif : faire basculer un maximum de personnes au travail avec un minimum de formation et de qualification. Au lieu de lutter contre le chômage structurel, les licenciements et les fermetures d’entreprises, au lieu de forcer les employeurs à prendre leurs responsabilités notamment en matière de formation, d’inclusion et d’insertion des publics les plus fragiles. Le gouvernement et le ministère de l’éducation nationale imposent de contraindre les travailleurs à accepter des bas salaires, des contrats précaires ou à temps partiel. Ils instrumentalisent aussi l’enseignement professionnel scolaire et l’apprentissage comme des outils au service du recrutement des entreprises, de l’abaissement du coût du travail pour répondre le plus rapidement « aux besoins de compétences » des entreprises en orientant et en mettant au travail les jeunes de plus en plus tôt. Le rapprochement École-Entreprise devient le maître mot pour mettre l’école au service du marché. En faisant ce choix politique le ministère donne un blanc-seing aux entreprises pour « éduquer » une partie de la jeunesse, celle justement qui a le plus besoin de l’École pour envisager un avenir scolaire et professionnel sécurisé.
Nous nous retrouvons aujourd’hui lors de la séance du CSE de repli en visio, après que les organisations syndicales aient boycotté la séance du 14 décembre pour manifester leur opposition à ce projet imposé à marche forcée contre l’intérêt des élèves et des personnels. La FSU dénonce cette modalité du consultation pour un texte pourtant majeur pour 1/3 des lycéennes et lycéens. La FSU persiste à exiger du ministère qu’il renonce à ce texte pour prendre le temps de réelles discussions et concertations sur des mesures qui permettraient de mieux faire réussir les élèves et d’améliorer le fonctionnement de nos lycées professionnels.
Aujourd’hui, à travers l’arrêté qui nous est présenté lors de cette séance du CSE, Carole Grandjean, ministre déléguée à l’enseignement et à la formation professionnels, continue à vouloir imposer une dégradation brutale et scandaleuse de l’organisation de la classe de terminale pour mettre en place un système de pré-recrutement pour les entreprises, dont les coûts ne seraient plus fléchés sur les entreprises mais basculés sur l’éducation nationale comme pour le modèle de l’apprentissage.
Son modèle de formation, emprunté à la formation professionnelle des adultes réformée en 2018 par la loi « avenir pro » qui prétendait résoudre tous les problèmes du marché du travail en 5 ans, n’a finalement fait qu’accentuer la pénurie d’emploi dans tous les secteurs. Celui-ci entretient une confusion et un brouillage entre formation professionnelle et adaptation à l’emploi, entre qualification et compétence, et entre problématique d’insertion des jeunes et accompagnement vers l’emploi.
Derrière cette réforme, la volonté première du ministère du travail est bien de continuer à développer l’apprentissage, en poursuivant sa politique d’aide à l’embauche d’apprenti·es, véritable aubaine financière pour les employeurs, qui peuvent disposer d’une main-d’œuvre rapide et gratuite, en démantelant maintenant les lycées professionnels, pour que sa progression puisse se poursuivre au niveau pré-bac. Après le recentrage des aides aux entreprises pour l’embauche d’apprentis mineurs à ce niveau, le ministère du travail a maintenant calibré ses indicateurs les faisant passer de 40 % à 60 % d’apprentis pré-bac d’ici 2027, soit 300 000 jeunes en plus. Pour cela, tous les leviers sont actionnés pour alimenter le marché très lucratif de la formation professionnelle et de l’apprentissage en particulier. Ce qui constitue un véritable scandale et un renoncement scolaire, les jeunes de lycées professionnels ne sont dorénavant plus pensés comme des élèves à former et éduquer mais comme une main-d’œuvre immédiatement exploitable.
Aujourd’hui, le ministre G. Attal avec l’aide de C. Grandjean veut renforcer le tri social des élèves, opération désormais dévolue aux entreprises. Ils décident ainsi l’éviction des jeunes les plus en difficulté à l’entrée du lycée pro à travers « Tout Droits Ouverts », et ses dispositifs d’accompagnement dans l’emploi initialement conçus pour des adultes qui en sont très éloignés.
Ce projet est une nouvelle étape qui ne sera sûrement pas la dernière. Il contribue à un projet plus global d’externalisation d’une partie du second degré au service des entreprises et contre l’intérêt des jeunes.
Après un bac pro en 3 ans, c’est un bac pro en 2,5 ans, voire en 2 ans, qu’organise le ministère. Pour répondre à une commande présidentielle – augmenter le nombre de semaines de stages – ce projet induit des pertes lourdes en termes d’horaires disciplinaires pour les élèves : alors que nos élèves ont besoin de plus et mieux d’école, le « choc des savoirs » en lycée pro s’illustrerait donc par moins d’école et plus d’entreprise.
Cette réforme avec la refonte de la carte des formations qui prévoit, d’ici la rentrée 2027, la transformation d’au moins 15 % de l’offre de formation avec la fermeture des filières décrétées « non-insérantes » va surtout organiser le transfert des formations sous statuts scolaires vers l’apprentissage. Ce transfert s’organisera soit par modification de l’offre de formation et/ou des référentiels de diplômes, soit par fermeture et réouverture dans les CFA privés de formations, notamment en tertiaire. Car c’est bien dans le tertiaire où il y a le plus de marge financière à gagner pour les CFA. Il s’organisera aussi par développement de l’apprentissage en GRETA ou en mixité des parcours et des publics notamment pour les formations industrielles.
Pour améliorer le service public de l’Éducation nationale, faire réussir tous nos élèves, et élever leur niveau de qualification, il faut des moyens. Avec les personnels, nous refusons ce projet : le ministère portera la lourde responsabilité d’un accroissement du décrochage scolaire, de résultats en baisse aux examens et d’une dégradation sans précédent des conditions de travail des personnels.
La FSU rappelle le rôle fondamental de la formation initiale sous statut scolaire qui doit être portée jusqu’à 18 ans pour tous les jeunes. Ce temps de formation initiale des jeunes doit leur permettre d’acquérir une culture commune qui fait sens pour eux. Elle doit unir l’ensemble d’une génération par l’acquisition de savoirs permettant de comprendre le monde, d’évoluer dans une société apaisée et d’accéder à l’émancipation. Cette formation doit être globale, complète et équilibrée pour que tous les jeunes de lycée professionnel, acquièrent une formation initiale solide leur permettant d’être qualifiés et d’évoluer professionnellement. Loin d’une vision adéquationniste formation/emploi, les jeunes doivent s’y inscrire librement, par un choix éclairé, pour acquérir l’ensemble de cette culture commune tout en les préparant à un métier. Cette formation ne doit pas les enfermer dans une impasse scolaire mais leur donner toutes les armes pour changer de spécialité ou de voie du lycée si tel est leur choix. Elle doit aussi leur garantir de poursuivre leurs études dans le supérieur et les y préparer rigoureusement.
Contre cette vision étriquée et utilitariste du système éducatif, pour un système scolaire émancipateur et égalitaire et parce qu’un autre lycée pro est possible, la FSU avec la FNEC-FP/FO, la CGT Educ’Action et Sud Education appellent à se mobiliser par des actions diversifiées dès maintenant et à préparer une journée de grève et de manifestations le 1er février.