Interview de SOPHIE POCHIC, sociologue du travail et du genre

INÉGALITÉS SALARIALES, DÉNI DANS LA FONCTION PUBLIQUE ?

Concours anonymes, grilles de rémunérations, statut d’emploi et forte féminisation ont laissé penser que la fonction publique était le temple de l’égalité. La mobilisation des syndicats et des réseaux de femmes a obligé à mesurer, comme dans le privé, les inégalités de carrière et de rémunération.
L’Éducation nationale a d’ailleurs été le dernier ministère à remettre son plan d’action 2021-2023 rendu obligatoire par la loi de la modernisation de la fonction publique.
Comparer les ministères et les corps, sur les rémunérations de base et surtout les primes, révèle que les métiers féminisés sont les plus faiblement rémunérés.

QUELLES EN SONT LES CAUSES ?

En premier, le temps partiel. Certaines le prennent pour mieux «concilier» travail professionnel et travail domestique et parental, toujours à leur charge principale, avec des conséquences sur leur rémunération, carrière et retraite. D’autres se voient imposer par l’employeur un temps partiel comme les AESH.

Le deuxième facteur est la ségrégation sexuée. La valeur sociale, la technicité et la pénibilité des métiers féminisés sont généralement moins reconnues. Ils n’ont pas eu de revalorisation liée à l’inflation quand d’autres, comme la police, ont réussi à faire entendre leurs revendications.

On mesure aussi une inégalité dans la progression de carrière à profil égal, avec un «escalator de verre» : les hommes, minorité numérique, accèdent davantage et plus tôt aux fonctions de direction.

Enfin, être contractuelle produit des «carrières plates», sans progression salariale, avec des risques de rupture de contrat et de discriminations.

QUELS OUTILS POUR LUTTER ?

Les plans d’action dans chaque académie permettent de l’information et de la communication sur les chiffres et sur les droits et proposent de la formation, notamment de l’encadrement. Mais la priorité est mise sur l’accès aux postes à responsabilités et les moyens sont maigres.
Comparer les rémunérations « à travail de valeur égale » et/ou à «profil et parcours similaire», via des études ou par les tribunaux, permet d’obtenir des revalorisations et des rattrapages.

Il faut aussi limiter les rémunérations variables liées à des missions et donc des heures supplémentaires, titulariser et stopper les temps partiels imposés.

La «grève féministe» du 8 mars est un des outils pour montrer ce qu’apportent les femmes dans ces métiers essentiels pour la société.