Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 31 janvier 2024
Paul Devin, président de l’IR.FSU
Les mesures concernant les étudiants étrangers ont été retirées de la loi dite « immigration » après son examen par le Conseil constitutionnel. Elles constituent la démonstration de l’aveuglement idéologique dont le pouvoir est désormais capable sous l’emprise des idées xénophobes car au-delà d’un reniement de nos valeurs, elles conduisaient à renoncer à des intérêts pourtant évidents.
Tout d’abord parce que l’attractivité de l’enseignement supérieur français est un atout. Présidentes et présidents d’université comme directrices et directeurs de grandes écoles, l’avaient rappelé en condamnant le projet de loi.
L’exigence d’une caution, la restriction des aides sociales, l’augmentation des frais de scolarité ouvraient des perspectives totalement contraires à la volonté de développement international de l’enseignement supérieur par ailleurs annoncée par le gouvernement. Campus France qui est un établissement public chargé, entre autres, de favoriser l’accueil des étudiants et des chercheurs étrangers en France ne cesse de vanter les intérêts d’une telle volonté d’ouverture : « Une forte attractivité de son enseignement supérieur est, pour la France, gage du maintien de son influence, de l’affirmation de ses valeurs, de la diffusion de sa langue et de son développement économique différé ou immédiat ».
L’irrationalité d’une telle perspective était d’autant plus grande que la présence d’étudiants étrangers sur notre territoire est un gain économique. Les recettes liées à leur séjour, c’est-à-dire leurs dépenses et leurs cotisations sociales quand ils travaillent, sont largement supérieures à la dépense publique liée à leurs études[1].
Une visée idéologique discriminante a donc conduit, aux dépens de nos intérêts internationaux, à vouloir restreindre l’accueil d’étudiants étrangers ou tout au moins à en assurer le tri.
Si nous pouvons être soulagé·es du retrait des mesures à l’encontre des étudiants étrangers, la question n’en reste pas moins inquiétante. D’abord parce que la contrainte d’une censure par le Conseil constitutionnel ne peut être confondue avec une décision politique de renoncement. On peut donc craindre que d’une façon ou d’une autre, l’intention perdurant, de nouvelles mesures légales ou réglementaires puissent voir le jour.
Toutes les tentatives, de l’annonce de la démission de la ministre de l’Enseignement supérieur aux promesses que la caution aurait un montant très faible, ne peuvent évidemment pas annihiler une volonté politique dont nous savons désormais qu’elle est prête aux plus indignes projets.
Cette loi immigration aura, de toute façon, contribué à renforcer dans le débat politique une prétendue légitimité d’une rupture de l’égalité des droits. Elle aura osé mettre en doute ce qui, depuis les origines de l’université, en constituait un fondement : la diversité culturelle comme source de richesse intellectuelle. Elle aura renforcé les représentations xénophobes qui construisent la représentation de l’étranger comme une menace et les étudiants étrangers en paieront encore davantage le prix dans les paroles et les actes racistes dont ils sont l’objet dans leurs vies quotidiennes.
C’est une folie qui s’est emparée du pouvoir qui, au mépris de toute rationalité, laisse les idéologies xénophobes prendre le pas non seulement sur les valeurs humanistes de notre démocratie mais sur les logiques les plus élémentaires de notre vie sociale et économique.