Aimer l’école … publique. La question, volontairement provocatrice, ne relève pas de la simple rhétorique. Elle traduit un malaise profond, une fracture entre les discours officiels et les pratiques de celles et ceux qui représentent la République. Le ministre actuel Edouard Geffray a affirmé lors d’une émission sur BFM TV avoir des enfants dans le public comme le privé.

 

La récente polémique autour d’Amélie Oudéa-Castéra, accusée de propos mensongers pour avoir justifié le choix d’un établissement privé pour son fils par des « heures non remplacées » à l’école publique, a ravivé un vieux débat : celui du rapport, ambigu et souvent méprisant, de nos élites à l’école publique. En choisissant Stanislas, établissement privé catholique, élitiste, où les élèves proviennent des milieux les plus favorisés, l’ancienne ministre avait fait un choix politique. C’est aussi le choix du séparatisme social et scolaire, de l’entre-soi, la sélection, l’homophobie et le sexisme, contraires aux valeurs d’égalité et de fraternité que porte le service public d’éducation.

« Les enseignements sont par nature les mêmes et doivent être les mêmes. Les règles y sont les mêmes. »

Edouard Geffray, ministre,  à propos de l’enseignement privé sous contrat

Le privé sous contrat : liberté pour quelques-uns, inégalités pour tous

Le ministre Edouard Geffray évoque « la liberté » pour justifier le recours au privé pour ses propres enfants. Mais au nom de la liberté de quelques-uns, l’égalité et la fraternité sont mises à rude épreuve. Et rappelons que cette « liberté de choix » est co-financée par tous puisque l’enseignement – privé sous contrat – ou subventionné est financé à près de 75 % par de l’argent public, sans obligation de carte scolaire, ni exigence de mixité sociale.

Les chiffres le confirment : les établissements privés accueillent deux fois plus d’élèves très favorisés que le public, et deux fois moins d’élèves défavorisés. Cette mise en concurrence organisée nourrit le séparatisme socio-scolaire et fragilise l’école publique. L’enjeu est social et politique : dans un contexte de creusement des inégalités, l’école devient de plus en plus ségréguée.

« Les règles y sont les mêmes », vraiment ?

Interpellé, le ministre le ministre actuel, Edouard Geffray, a tenté de désamorcer la polémique : « Si je n’avais pas confiance dans l’école publique, je ne lui aurais pas dédié un tiers de ma vie professionnelle, et je ne serais pas ministre aujourd’hui. Très clairement. Le reste, cela relève de configurations purement personnelles. » Il précise : « Les enseignements sont par nature les mêmes et doivent être les mêmes. Les règles y sont les mêmes. » En théorie, oui, mais les établissements étaient aussi peu contrôlés, comme le révèlent des scandales, Bétharram, Stanislas et tant d’autres.

Peut-on parler de « configuration personnelle » quand elle se répète et comment croire à cette équivalence quand les trajectoires scolaires de ceux qui gouvernent illustrent toutes la même sociologie ? L’écrasante majorité des huit ministres de l’Éducation sous la Macronie, ont été formés dans l’enseignement privé, tout comme le président lui-même et le Premier ministre actuel. C’est une élite qui se reproduit dans les mêmes établissements privés sous contrat ou publics élitistes et favorisés, les mêmes cercles, les mêmes prépas ou grandes écoles : un entre-soi comme fabrique d’ascension sociale.

Aimer l’école publique, c’est aimer la démocratie

Les services publics, et donc l’école publique, sont la priorité qui rassemble les Françaises et les Français. Affaiblir l’école publique, c’est affaiblir les liens sociaux, la confiance dans l’institution, le sentiment d’appartenance collective.

Le ministre l’a dit lui-même, sur France Inter, quelques jours avant la polémique : « La situation de l’école est extrêmement inquiétante. Les inégalités scolaires, adossées aux inégalités sociales, menacent la santé psychique et physique des élèves. »

Alors, de quelle école parle-t-on ? De celle que l’on chérit en discours, ou de celle qu’on abandonne en actes ?

Que faire ? Aimer l’école publique et la protéger. Non pas dans les mots, mais dans les actes. Parce qu’une éducation commune, ouverte à l’altérité, fait nation. Parce qu’elle seule peut faire vivre, réellement, la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.

Aimer l’école publique, c’est refuser qu’elle devienne « l’école des pauvres » et c’est rappeler qu’il n’y a pas de République forte sans école publique forte. Parce qu’une éducation commune, ouverte à l’autre, éduque à la démocratie.

Et qu’un ministre de l’Éducation nationale devrait être, avant tout, le ministre de l’école publique – pas seulement celui qui la « gère », mais celui qui la défend et l’aime.

Rêvons d’un ou d’une ministre qui aime l’école publique, car l’aimer, c’est aussi aimer la démocratie. Car la mixité sociale et scolaire n’est pas un luxe, mais une condition de la démocratie.

 

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