Par Paul Devin, président de l’Institut de recherches de la FSU


Ce mardi 18 octobre, nous manifestons pour défendre les lycées professionnels.
En nous faisant croire aux effets miraculeux du contrat d’apprentissage sur l’emploi, le gouvernement se vante d’agir dans une perspective où la convergence de la formation avec les besoins des entreprises produira le plein emploi des jeunes.
Ce même jour, l’ensemble des travailleuses et des travailleurs sont appelés à la grève et aux mobilisations. Elles et ils diront leur refus que le monde du travail soit, réforme après réforme, soumis à une doxa qui ne cesse de réduire leurs salaires, de dégrader leurs conditions de travail et menace à nouveau leurs droits à la retraite.

Ceux qui ont analysé les chiffres de l’apprentissage savent déjà que c’est très loin d’être un effet certain ! Le développement de l’apprentissage, constatable ces dernières années, n’a été possible que parce qu’il concerne essentiellement des formations post-Bac, très largement financées et donc très coûteuses. Pour les jeunes des milieux populaires, pas de véritable progrès… l’apprentissage reste une voie discriminante où les jeunes les plus en difficulté sont nombreux à abandonner en cours de route et où les accès sont plus difficiles pour les filles et les jeunes issus de l’immigration.

Mais au-delà des doutes sur les effets de cette réforme sur l’emploi des jeunes des classes populaires, on doit s’interroger sur les mutations culturelles profondes qu’elle engage en mettant progressivement terme au pacte républicain qui affirmait, pour toutes et tous les élèves, l’accès à la culture commune. Les progressives diminutions de l’enseignement général marquent le choix de scinder la jeunesse en limitant, pour une bonne part d’entre elle, l’enjeu scolaire à la finalité d’un emploi.

L’exercice plein et entier de la citoyenneté nécessitant le développement d’un sens critique et d’une capacité de jugement éclairée par cette culture commune, c’est la capacité d’engagement de cette jeunesse qu’on restreint ici, quitte à se plaindre plus tard de son désintérêt pour la vie politique.

En accédant à la demande patronale de penser la formation professionnelle uniquement dans la satisfaction des besoins courtermistes de l’entreprise, c’est le sens même du travail de ces jeunes qui se réduit à néant. Une activité restreinte à une succession de tâches prescrites interdit la constitution d’une culture de métier et prive du sentiment de contribuer à la vie sociale par son travail.

Et pourtant le lycée professionnel d’aujourd’hui pourrait justement être le lieu où se constituent les cultures professionnelles dont nous avons d’urgence besoin : celles nécessitées par les mutations environnementales, énergétiques et climatiques et celles qui permettraient la réindustrialisation.

Voilà le choix politique actuel : voulons-nous asservir la jeunesse issue des milieux populaires à l’exécution de tâches qui serviront les intérêts financiers de quelques privilégiés ou voulons-nous qu’elle puisse contribuer aux transformations qui nous permettront de produire et de consommer autrement, pour un autre avenir de la planète ?

Ce même jour, l’ensemble des travailleuses et des travailleurs sont appelés à la grève et aux mobilisations. Elles et ils diront leur refus que le monde du travail soit, réforme après réforme, soumis à une doxa qui ne cesse de réduire leurs salaires, de dégrader leurs conditions de travail et menace à nouveau leurs droits à la retraite. Elles et ils diront leur refus que la réduction des services publics fasse croître les inégalités, que l’obsession à satisfaire le profit des actionnaires ne cesse d’augmenter les exigences de travail jusqu’à menacer la santé, que l’injustice sociale prive les plus précaires des droits les plus élémentaires de logement, de soin, de loisir.
La journée de défense des lycées professionnels et l’appel interprofessionnel participent de la même volonté d’exiger que les choix politiques ne puissent continuer à être au service d’une domination économique qui éprouve désormais durement une bonne part de la population. Nous ne pouvons plus accepter un monde ou l’avidité d’une petite minorité mette en jeu la vie de toutes et tous les autres.